Emily Brontë et Wuthering Heights

Une fois n’est pas coutume, me voici… au cinéma ! Non pas que je n’apprécie pas l’expérience sur grand écran, loin de là ; une vie familiale bien remplie rend bien souvent toute sortie nocturne impossible ! Mais voilà que, en ce dimanche après-midi, je me retrouve au cinéma « Le Churchill » à Liège, prête pour la projection du nouveau film « Emily ». Réalisé par Frances O’Connor et interprété, entre autres, par Fionn Whitehead, Emma Mackey et Alexandra Dowling, je me pourlèche les babines – pardon, la rétine ! Moi qui adore les œuvres des sœurs Brontë, je ne pouvais que me réjouir de découvrir cette adaptation de la vie de l’écrivaine.

Au fait, ai-je mentionné avoir visité, en 2019, la demeure – maintenant transformée en musée – des trois sœurs ? Localisé à Haworth, dans les Yorkshire Dales en Angleterre, le Brontë Parsonage Museum nous offre un aperçu de la vie à l’époque victorienne. Ma visite se déroule en mai ; pourtant, le temps fait honneur aux paysages décrits par Emily dans Wuthering Heights ; il pleut, il vente, il fait froid… Parfaite plongée en plein cœur des récits des trois sœurs, sans fioriture. C’est terrifiant et magnifique à la fois. Je me sens émue face à ces artefacts, témoins à présent muets du quotidien des trois jeunes femmes. La bouillotte, sur le lit, me rappelle la froide morsure de l’hiver ; le pupitre portatif, l’encrier et la plume de Charlotte sont là, prêts à l’emploi. Les lieux sont sobres, dénués de tout luxe et apparat. Vie recluse, vie trop vite écourtée par l’impitoyable Faucheuse ; le cimetière attenant à la demeure des Brontë n’est pas sans rappeler l’omniprésence de la mort…

Qui était donc Emily ?

Née en 1818 au sein d’une famille de six, elle décède à 30 ans, le 19 décembre 1848. Fille de pasteur irlandais et de mère anglaise, cette dernière meurt alors qu’Emily n’a que trois ans. Les Brontë perdent également deux autres enfants. La courte vie d’Emily se déroulera dans le Yorkshire auprès de ses deux sœurs, Charlotte et Anne, et de son frère Branwell. Ce dernier, ivrogne et drogué, inspirera notamment – on le suppose – le personnage d’Heathcliff dans Wuthering Heights.

Emily, dès son plus jeune âge, lit et écrit. Des poésies, d’abord, ainsi que des histoires fantastiques partagées avec ses sœurs, ces dernières ayant créé le monde fabuleux de Gondal, univers pour lequel les jeunes femmes écrivent de nombreuses sagas.

C’est fin 1847 que son œuvre magistrale, Wuthering Heights, verra le jour ; Emily ne la signe pourtant pas de son nom, et emprunte pour ce faire le pseudonyme d’Ellis Bell. Emily, durant sa courte existence, ne connut pas l’amour ; ce qui ne l’empêcha pas de superbement décrire les jeux et enjeux que ce dernier exerce sur ses semblables… Influencée par le gothique et le roman noir, l’œuvre de cette toute jeune femme choquera et marquera durablement les esprits… et ce, encore aujourd’hui.

Qu’en est-il du film ?

Le vent souffle sur les landes, un voile de pluie épais dégouline le long des murs des bâtisses… Frances O’Connor nous offre un tableau gothique, sensuel et passionné de la vie d’Emily. Les paysages sont à couper le souffle, les émotions à fleur de peau hérissent l’échine du spectateur. Tourmente, violence. Sauvage. Telle qu’elle est ici dépeinte, la jeunesse de la jeune Brontë, si elle est quelque peu romancée, ne peut laisser indifférent. Créature étrange, incomprise de ses semblables, Emily vit et respire au rythme imprévisible de sa terre natale. Sa plume est fougueuse, à l’image des sentiments qui la déchirent… jugés indignes du Très-Hauts, ses écrits et sa poésie ébranleront pourtant ses contemporains. Wuthering Heights, « ce roman ignoble » naîtra, telle une apothéose, à l’aube du crépuscule de son existence.

Malgré quelques tours de passe-passe pimentant çà et là l’histoire, la modifiant et la déformant selon son bon plaisir, j’ai absolument adoré cette adaptation cinématographique. À vous maintenant de vous en faire une idée !

Quoiqu’il en soit, je ne peux que vous encourager, si ce n’est déjà fait, à découvrir les œuvres des trois sœurs : Jane Eyre, de Charlotte ; Les Hauts de Hurle-Vent, d’Emily ; et La Recluse de Wildfell Hall, d’Anne… et, pourquoi pas, d’aller leur rendre visite à Haworth, village perdu parmi les landes, perdu dans le temps.

Pour plus d’informations sur le Musée des Brontë : https://www.bronte.org.uk/

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