Faire son papier… sois-même?

Il y a environ deux semaines, je me rendais à la Nuit du livre au village de Redu, en Ardennes… Village niché au creux des forêts et vallées de la province du Luxembourg belge, Redu est également un village « du livre ». Librairies de seconde main, mais également artisans – du livre ou d’autres disciplines ! – y ont ainsi élu domicile. En août, se déroule donc chaque année la célèbre Nuit du livre

Au programme ? Mis à part les incontournables visites des librairies – j’y ai encore déniché un livre… Les métiers curieux de Paris d’Albert Fournier… je compte bien vous écrire un blog sur le sujet ! – l’on pouvait se restaurer, danser, se faire grimer – bon, bon, ça, c’était pour les enfants, même si j’aurais bien aimé tenter l’expérience en tant qu’adulte ! – visiter le musée d’art du Mudia et… assister à une démonstration de réalisation de papier par René Lefer !

Avant de passer à la création du papier proprement dite, j’aimerais vous présenter monsieur Lefer. René Lefer, même s’il est à présent pensionné, continue à poursuivre sa passion pour la création de papier dit « à la cuve ». Dans son atelier situé dans l’ancienne cour de l’école de Redu, il donne vie à des centaines, à des milliers de feuilles de papier. À ses créations, il ajoute des fleurs séchées, des colorants naturels, donne au papier des formes diverses et s’ingénie même à marbrer certaines de ses feuilles. Un métier de passion, qu’il explique et défend ardemment ! Écouter monsieur Lefer parler, c’est un peu embarquer dans un drôle de voyage, où l’on vogue sur les vagues de la cuve où flottent, éparses, les fibres de coton…

Parce que oui, pour son papier, René Lefer utilise du coton. Anciennement, les papiers étaient réalisés à base de « chiffons », ces vieux vêtements collectés par le « chiffonnier », qui les acheminait ensuite pour être transformés en papier. Ce dernier était alors essentiellement composé de chanvre et de lin. Sans entrer dans les détails, il me semble important de souligner que ces papiers artisanaux, tout comme ceux de René Lefer, ne contiennent pas de fibres de bois, comme c’est le cas pour nos papiers modernes. 

En vue de la réalisation du papier, le coton que réceptionne monsieur Lefer sous forme de feuilles compactées est pillé au moyen d’une machine nommée « pile hollandaise ». Une masse de fibres est ainsi obtenue, que l’on disperse ensuite dans une cuve emplie d’eau. Le pourcentage de fibres pour une masse d’eau donnée est d’environ deux sur cent. Un adhésif est intégré au mélange, ce qui permettra par la suite l’écriture. En effet, en l’absence de colle, l’encre serait absorbée par son support… tel un papier buvard. De l’alun est également ajouté et agit en tant que fixatif.

Les feuilles sont ensuite coulées à la forme : un cadre composé de chaînettes et vergeures, parfois agrémenté d’un filigrane – vous savez, ce dessin visible par transparence dans la masse du papier ? – est plongé dans la cuve. La pâte se dépose, un mouvement souple de va-et-vient disperse les fibres homogènement sur le moule… un instant suspendu, l’eau excédentaire s’écoule. Le papier est ensuite « couché », c’est-à-dire déposé sur des feutres, avant de passer sous presse. L’eau s’en échappera encore, avant le dernier séchage…

René Lefer rit, plaisante, laisse tester les enfants. De petites mains avides plongent dans la cuve, en ressortent, émerveillées, des feuilles de papier. C’est à la fois si simple, et si complexe. Car pour créer du bon papier, un ingrédient reste essentiel : l’expérience du maître.

Envie d’en savoir plus ?

Village du livre de Redu : https://www.redu-villagedulivre.be/fr/
René Lefer : https://lefer-rene.skyrock.com/

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